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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/79

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DE LA VIEILLESSE.

XX. Chaque âge a son terme marqué ; il n’y a que la vieillesse qui n’en ait point de fixe. Un vieillard jouit pleinement de la vie aussi long-temps qu’il peut remplir exactement tous ses devoirs ; il jouit de la vie en méprisant la mort. C’est par là que la vieillesse est plus forte et plus courageuse que la jeunesse. Je citerai pour preuve la réponse de Solon au tyran Pisistrate : celui-ci lui ayant demandé sur quel espoir il se fondait dans son audacieuse résistance ; sur ma vieillesse, lui répondit Solon(26). C’est finir la vie de la meilleure manière, que de mourir avec l’entier usage de son esprit et de ses sens, et quand la nature qui nous forma dissout elle-même son ouvrage. Ainsi que celui qui a construit un vaisseau, un édifice, le détruit avec plus de facilité ; ainsi la nature dissout plus doucement le corps humain qu’elle cimenta elle-même. Le vieux ciment, d’ailleurs, se sépare facilement, et le nouveau coûte bien plus de peine à détruire. Il suit de tout cela, que le vieillard ne doit pas trop tenir à ce reste de vie, mais qu’il ne doit pas non plus y renoncer sans motif. Pythagore défend d’abandonner le poste de la vie sans l’ordre du général, c’est-à-dire de Dieu. On cite une épitaphe de Solon(27), où ce sage déclare qu’il veut que ses amis honorent son trépas de gémissements et de larmes. Il voulait, je pense, vivre dans le cœur des siens ; mais je ne sais si Ennius ne dit pas avec plus de raison :

Je ne veux à ma mort ni tristesse ni larmes ;
Pourquoi ?

C’est qu’il ne croit pas qu’il faille pleurer une mort que doit suivre l’immortalité. De plus, le sentiment de la mort, s’il est vrai qu’on se sente mourir, est de bien peu de durée, surtout pour un vieillard ; et après la