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Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.8.djvu/177

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pour faire comprendre à chacun combien est indigne, combien est manifeste, même de l’aveu de tous, le crime dont on prétend se racheter à force d’argent. Ce chef d’accusation est-il assez grave, assez révoltant ? Oui, de mémoire d’homme, et depuis que des tribunaux furent institués contre les concussionnaires, on n’avait pas encore vu un préteur du peuple romain assez coupable pour s’associer les fermiers de la dîme.

LVII. Ce n’est pas d’aujourd’hui que Verrès, homme privé, entend un ennemi ; que Verrès, accusé, entend un accusateur lui adresser ce reproche : déjà long-temps auparavant, sur ce tribunal où il siégeait comme préteur, lorsqu’il gouvernait la province de Sicile, et que chacun voyait en lui, moins pour son autorité, commune à tout autre préteur, que pour sa cruauté, un tyran redoutable, cette accusation a frappé mille fois ses oreilles ; et, s’il sut contenir le ressentiment qui le portait à s’en venger, ce ne fut point par indifférence, mais la conscience de ses malversations et de ses crimes enchaînait sa volonté. D’ailleurs les décimateurs parlaient hautement, entre autres celui qui était le plus accrédité auprès de Verrès, Apronius, qui mettait les plus riches campagnes au pillage. Peu de chose, à les entendre, leur revenait sur ces immenses profits ; le préteur était leur associé. Quoi ! lorsque les décimateurs tenaient publiquement ce langage dans toute la province ; lorsqu’ils appuyaient de votre nom des opérations si honteuses et si criminelles, vous n’avez pas même eu l’idée de ménager votre réputation, vous n’avez pris aucun souci de votre existence et de votre fortune ? Lorsque la terreur de votre nom frappait les oreilles et l’esprit des cultivateurs ; lorsque les décimateurs, pour transiger avec les laboureurs, fai-