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Page:Clémenceau-Jacquemaire - Madame Roland, 1926.djvu/112

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MADAME ROLAND

préoccupés des souffrances du peuple. Ils n’avaient pas fait de lois sociales. Ils n’avaient pas cherché de remèdes à ce que nous appelons la vie chère. Ils étaient trop portés, en dehors de beaucoup de beaux discours sur « le peuple abusé », à confondre les travailleurs et les bonnes gens avec les égorgeurs et les braillards. Par là, ils permirent, jusqu’à un certain point, de croire que les « aristocrates » en fuite avaient reparu en eux.

Cependant Mme Roland devait dire : « La faiblesse est le pire de tous les défauts dans ceux qui gouvernent, particulièrement au milieu des factions. » Surtout elle craignait « les demi-mesures et la manie prétendue conciliatrice ». « Un homme d’État doit être rigoureux dans les principes, ferme dans l’action. Jamais obstacles ni considérations ne doivent le faire plier au premier égard ni dévier au second. » Ce sont ses propres termes.

De tels sentiments ne sont point seulement fondés sur la théorie. Mme Roland a souffert sans patience de défauts dont le souvenir la tourmenta jusqu’au dernier jour. Du reste, son influence cessa d’être décisive quand la confusion des pouvoirs rompit tous les freins. Nul doute qu’elle n’ait voulu des réformes complètes : elle avait le tempérament radical. Mais il y eut un moment où elle ne fut plus qu’une feuille sur la mer.

Pendant qu’on l’enfermait à l’Abbaye, les Girondins, ceux de son clan et d’autres, avaient passé la nuit chez un des leurs nommé Meilhan. Ils se sentaient perdus, mais ils se devaient de bien tomber. Tandis qu’ils discutaient, comme toujours, pour savoir si, oui ou non, ils se rendraient à la séance, la nouvelle de l’arrestation de Mme Roland leur arriva.

Rendus furieux, ils volent à l’Assemblée. Buzot et Barbaroux sont sublimes de bravoure et de foi révolutionnaire. Sous un aspect tranquille qui cachait des passions fortes, Buzot était de ces timides qui ne restent jamais interdits devant l’attaque et chez qui le danger fait éclater l’éloquence. Barbaroux refuse de donner sa démission. Il a « juré de mourir à son poste. Il tiendra son serment ».

Mais la force armée est là qui entoure la salle où la Conven-