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Page:Clémenceau-Jacquemaire - Madame Roland, 1926.djvu/128

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MADAME ROLAND

Le 24 octobre Mme Roland est appelée en témoignage au procès des Girondins et, pendant qu’elle attend au greffe, elle parle ouvertement avec « force et liberté à tous ceux qui sont là », presque devant Hébert et Chabot, aux écoutes derrière la cloison.

Le soir, n’ayant pas été appelée, elle écrit une importante réponse à Amar, le rédacteur de l’Acte d’accusation des Girondins, c’est-à-dire des députés auteurs de la conspiration contre l’unité et l’indivisibilité de la République, contre la liberté et la sûreté du peuple français.

Mais il devient évident que l’on redoute sa parole et que le tribunal ne la fera pas comparaître. Elle le devine :

J’en ai peur, je désire mériter la mort en allant leur rendre témoignage tandis qu’ils vivent, et je crains de perdre cette occasion. Je suis sur les épines. J’attends l’huissier comme une âme en peine attend son libérateur.

La Révolution a donné carrière à un certain goût instinctif qu’elle s’est toujours senti pour les périls. Au fond, elle est à son aise sous les éclairs. Elle se porte par nature aux lieux où va tomber la foudre et ce tempérament hardi cherche l’occasion de tenir tête à l’orage.


Le 31 octobre arriva.

Entassés dans cinq charrettes, tous debout, sauf Valazé qui s’était percé le cœur d’un coup de poignard et fut guillotiné mort, les Girondins, d’une voix à jamais déchirante et mémorable, chantaient l’hymne des Marseillais :

Contre nous de la tyrannie
Le couteau sanglant est levé…

À la même heure Mme Roland fut transférée à la Conciergerie où elle passa huit jours dans « un lieu infect ».

Elle avait d’abord désigné Chauveau-Lagarde pour son défenseur, mais, réfléchissant qu’elle allait le compromettre, elle lui avait dit : « Ne venez pas au tribunal, je vous désavouerais[1]. »

  1. Ce fut un homme de loi, désigné d’office par le tribunal, qui remplaça Chauveau-Lagarde.