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Page:Claudel - Connaissance de l’est larousse 1920.djvu/84

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est de me dérober, en m’égarant, ses limites. Des murs onduleux qui montent et qui descendent le divisent en compartiments, et, tandis que des cimes d’arbres et des toits de pavillons qu’ils laissent voir ils semblent inviter l’hôte à pénétrer leur secret, renouvelant sous ses pas la surprise avec la déception, ils l’amènent plus loin. Qu’un sage nain, avec son crâne pareil à une panse de gourde ou qu’un couple de cigognes en surmonte le sommet ouvragé, le calice du toit n’ombrage point une salle si déserte qu’un bâton d’encens à demi consumé n’y fume ou qu’une fleur oubliée ne s’y décolore. La Princesse, le Vieillard vient à peine de se lever de ce siège, et l’air vert cèle encore le froissement de l’illustre soie.

Fabuleuse, certes, est mon habitation ! Je vois dans ces murs, dont les faîtes ajourés semblent se dissiper, des bancs de nuages, et ces fantasques fenêtres sont des feuillages confusément aperçus par des échappées ; le vent, laissant de chaque côté des languettes dont le bout se recourbe, tailla dans la brume ces brèches irrégulières. Que je ne cueille point la fleur de l’après-midi à un autre jardin qu’où m’introduit une porte qui a la forme d’un vase, ou d’une feuille, ou d’une gueule par la fumée, ou du soleil qui se couche alors que son disque atteint la ligne de l’eau, et de la lune qui se lève.