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Page:Claudine a l'Ecole.pdf/116

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claudine à l’école

Je trouve ce matin à l’entrée de l’école une jeune fille pâle — des cheveux ternes, des yeux gris, la peau déveloutée, — qui serre un fichu de laine sur ses épaules étroites avec l’aspect navrant d’un chat maigre qui a froid et peur. Anaïs me la désigne d’un geste de menton avec une moue mécontente. Je secoue la tête avec pitié, et je lui dis tout bas : « En voilà une qui sera malheureuse ici, ça se voit tout de suite ; les deux autres sont trop bien ensemble pour ne pas la faire souffrir. »

Les élèves arrivent peu à peu. Avant d’entrer, je remarque que les deux bâtiments scolaires s’achèvent avec une rapidité prodigieuse ; il paraît que Dutertre a promis une forte prime à l’entrepreneur si tout était prêt à une date qu’il a fixée. Il doit en manigancer des tripotages, cet être-là !

Leçon de dessin, sous la direction de Mlle Aimée Lanthenay. « Reproduction linéaire d’un objet usuel ». Cette fois, c’est une carafe taillée que nous devons dessiner, posée sur le bureau de Mademoiselle. Toujours gaies, ces séances de dessin parce qu’elles fournissent mille prétextes pour se lever ; on trouve des « impossibilités », on fait des taches d’encre de chine partout où le besoin ne s’en fait pas sentir. Tout de suite, les réclamations commencent, j’ouvre le feu :

— Mademoiselle Aimée, je ne peux pas dessiner la carafe d’où je suis, le tuyau du poêle me la cache !