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Page:Claudine a l'Ecole.pdf/181

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claudine à l’école

C’est peut-être que je vieillis ? Je me ressentirais donc des seize ans que j’atteins ? Voilà une chose stupide, en vérité.

C’est peut-être le printemps ? Il est trop beau, aussi, c’en est inconvenant ! Le jeudi et le dimanche, je file toute seule, pour retrouver ma sœur de lait, ma petite Claire, embarquée solidement dans une sotte aventure avec le beau secrétaire de la mairie qui ne veut pas l’épouser. Pardi, il en serait bien empêché ; il paraît qu’il a subi, encore au collège, une opération pour une maladie bizarre, une de celles dont on ne nomme jamais le « siège » ; et on prétend que, s’il a encore envie des filles, il ne peut plus guère « contenter ses désirs ». Je ne comprends pas très bien, je comprends même assez mal, mais je me tue à redire à Claire ce que j’ai vaguement appris. Elle lève au ciel des yeux blancs, secoue la tête, et répond, avec des mines extatiques : « Ah ! qu’est-ce que ça fait, qu’est-ce que ça fait ? Il est si beau, il a des moustaches si fines, et puis, les choses qu’il me dit me rendent assez heureuse ! Et puis il m’embrasse dans le cou, il me parle de la poésie des soleils couchants, qu’est-ce que tu veux que je demande jamais davantage ? » Au fait, puisque ça lui suffit…

Quand j’ai assez de ses divagations, je lui dis, pour qu’elle me laisse seule, que je rentre chez papa ; et je ne rentre pas. Je reste dans les bois, je cherche un coin plus délicieux que les autres,