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Page:Clemenceau - Au soir de la pensée, 1927, Tome 1.djvu/113

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AU SOIR DE LA PENSÉE

l’envolée parce qu’il s’obstine à vouloir trouver dans l’homme un objet d’anticipations supérieures aux réalités du Cosmos.

L’absolu de l’univers que nous ne sommes pas destinés à connaître, est-ce donc autre chose qu’une simple constatation d’existence, et ne pouvons-nous pas prendre notre parti d’un univers sans fin, quand nous découvrons que l’idée de limite n’est qu’un jeu de nos sensations ? N’est-ce pas cette fusion du rêve et de la pensée qui suscite, dans tous les ordres de nos activités, des suppléments d’efforts au profit de ce qui peut être l’inaccessible. La connaissance de rapports nous permet d’en mouvoir quelques-uns en vue de buts déterminés. Par là nous agissons sur le Cosmos et sur nous-mêmes pour des effets d’appropriation qui vont toujours croissant. Quoi de plus propre à nous encourager dans la persévérance des efforts dont nous touchons des résultats ? Où serait le prétexte au renoncement oriental qui a trop longtemps détaché l’Asie de ses destinées ?

Si l’homme se trouve en voie de perdre irrémédiablement son Dieu, l’heure est venue pour lui de se chercher lui-même et, s’étant retrouvé, de tenter une vie d’évolution au delà des premiers stages de ses hérédités. Peut-être sommes-nous meilleurs que ne nous le fait croire la puérilité de notre commun personnage. Débarrassé de ses mythes, l’idéalisme appelle l’épreuve de nos facultés. Nous n’avons plus besoin de personnifier les énergies du monde pour les interroger, et nous y accommoder. Les grandes batailles des Titans contre les Olympiens s’achèvent dans la défaite universelle du surhumain.

Anciens ou modernes, les mythes ne sont plus que vaines images en voie de s’effacer. Zeus, Héra, Déméter, Héraklès, Héphaïstos, Apollon, Artémis, l’Aurore, Pandore, Prométhée et tous autres, leur jour venu, n’auront déjà plus qu’une valeur d’épisodes dans l’histoire de l’esprit humain. Pour un temps de notre intelligence, nous leur avons donné la vie. Dès lors l’abîme qui nous guette les attendait au premier tournant. Tôt ou tard, les personnalités célestes ne seront plus qu’un souvenir de féeries. Face à face avec l’univers, l’homme seul témoignera de la suprême audace de ses rêves divins, puisque sa Divinité, vainement poursuivie, c’est lui.

Il est dès à présent reconnu que la mythologie fut des premières formes des manifestations linguistiques de la connais-