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Page:Clemenceau - Au soir de la pensée, 1927, Tome 1.djvu/384

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COSMOGONIES

humaine dégénérescence de Zeus, qui a surtout fait couler le sang des martyrs. À la charge des mêmes chrétiens, hélas ! mêmes spectacles vont s’offrir. Comment et combien développés ! Des supplices, des in pace, des massacres d’hérétiques, des guerres de religion, des bûchers, une somme si formidable de tueries qu’elle échappe à toute évaluation. N’est-ce pas comme hérétique que Jeanne d’Arc fut brûlée par ceux-là même qui, aujourd’hui, ont l’audace de l’exploiter ? Œuvre d’un Dieu d’amour, le christianisme nous doit compte de Giordano Bruno, de Berquin, de Dolet, de Servet, de Vanini, de combien d’autres ! Et qu’est-ce que les « guerres de religion » elles-mêmes auprès des tortures de l’éternité ?

C’est que la liberté de conscience a été trop longtemps assaillie avec la dernière fureur par toutes les armes de l’homme et de sa Divinité. Rien de ce qui peut imposer silence aux libres activités de la connaissance, et seconder ainsi le règne de la fiction, ne fut épargné. Faveurs ou brutalités extrêmes des gouvernements, des églises, des salons, de l’école et de la rue. Le déchaînement de toutes les violences, quand la raison ne voulait pas céder. La prison perpétuelle pour Galilée après abjuration. Quel effroyable aveu d’impuissance, quand le « juge » dut se rétracter ! Admirons comme nos « élites » cultuelles en prennent aisément leur parti !

Pour en arriver où ? Au désarroi du dogme, incapable de forcer la conscience profonde, tandis que la connaissance expérimentale honnie, maudite, persécutée, et pourtant destinée à la victoire finale, nous montre ses fiers cortèges d’esprits audacieux, mais tranquilles, en route vers la libération de l’humanité. On prie encore aujourd’hui, dans l’affolement du danger, pour demander la fin d’une tempête, d’un tremblement de terre, c’est- à-dire un renversement cosmique de phénomènes naturels. Mais, déjà, on processionne beaucoup moins pour obtenir de la pluie dans la plaine, depuis qu’on a des moyens « scientifiques » d’irrigations.

L’hellénisme, à qui nous devons le meilleur de notre formation mentale, nous a légué, comme trésor, les conceptions philosophiques de l’Asie animées de mythes de tous ordres, laissant les préceptes de morale naturelle aux analyses des gymnases, hors des Divinités dont l’office paraissait être d’éperonner