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Page:Clemenceau - Au soir de la pensée, 1927, Tome 1.djvu/85

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AU SOIR DE LA PENSÉE

déterminer, d’associer, de dissocier des sensations humaines, c’est-à-dire des images sensorielles tissées en une trame qui constitue la table d’harmonie de notre pensée. Les manifestations de sensations animales tantôt s’emprisonnent de silence, tantôt jaillissent au dehors par des gestes ou des cris qui sont plus souvent d’émotions que de connaissance, selon que leur organisme le permet ou l’exige.

Variés à l’infini, nos gestes accompagnent les signes vocaux pour des accentuations de nuances où la diversité des caractères avive de force, ou estompe de douceur, les traits d’une analyse vocale plus ou moins poussée. Sans rumeur perceptible, l’amibe se déforme pour atteindre l’aliment qui tente chimiquement sa « volonté ». Aux chaînons de vie qui vont suivre, l’animalité s’inscrira dans les luttes pour l’existence par des émissions de voix couronnant le tumulte des activités contrariées ou exaltées. C’est ce lourd héritage d’impressions et d’expressions d’émotivités que l’innocent père pithécanthrope a recueilli, accru, développé, pour le transmettre à des générations humaines qui l’ont porté, en suite de temps incalculables, au point que nous pouvons aujourd’hui constater. Progrès de mentalité dont nous voyons l’un des points de départ dans les insuffisantes coordinations de l’habitude simiesque, et certains points d’arrivée soit dans le pontife à l’autel, soit dans le savant au laboratoire, suivis du métaphysicien aux trop belles foulées.

Comment cette épreuve merveilleuse a-t-elle pu s’instituer, se poursuivre jusqu’à ce jour ? Ce qu’il nous est possible d’en connaître s’insère aux fonctions organiques des entendements en cours d’évolution. Malgré des tentatives qui ne sont point négligeables, nous n’en sommes qu’au seuil d’une psychologie comparée. Au lieu de procéder des premiers états de sensations, dans la série vivante, aux degrés supérieurs de mentalité croissante, on s’est plu à rapporter nos états de mentalité humaine aux successives réactions de sensibilité animale, ce qui nous fait passer du composé au simple, comme pour dérouter l’observation. Notre émerveillement de l’intelligence chez les animaux consiste dans le contraste de leurs accomplissements voisins des nôtres, coïncidant avec l’insuffisance de leur mentalité présumée. Il faudrait simplement voir en eux la manifestation d’entendements primitifs en activité dans les directions du nôtre, et produi-