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Page:Clemenceau - Au soir de la pensée, 1927, Tome 2.djvu/125

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au soir de la pensée

entropie est, sans conteste, un grand savant : cela ne lui confère pas une autorité de « Révélation ». Il doit prouver, comme tout autre. Que n’a-t-il commencé par accorder son « entropie » avec l’évidence, qui nous montre l’univers en perpétuel renouvellement, et exigerait, par conséquent, que, dans le cours infini des âges, le point mort du mouvement cosmique fût depuis longtemps un fait acquis.

L’objection s’est dressée de toutes parts. Je ne vois pas qu’on ait essayé d’y répondre. « Il est très pénible, écrit Le Dantec, d’entendre dire aux mathématiciens qu’il y a dans le monde quelque chose qui grandit sans cesse et dont on ne peut connaître la nature. L’entropie serait une notion purement mathématique pour laquelle on ne pourrait trouver d’équivalent dans le langage humain. Nous sommes d’autant plus agacés de cette impossibilité de traduction que, de l’accroissement incessant de ce « je ne sais quoi », certains physiciens philosophes ont tiré des conclusions relatives à la fin du monde. »

Je ne prendrai donc l’entropie que comme une hypothèse dont la critique expérimentale nous mettra quelque jour face à face avec un corps d’interprétations vérifiables. Si l’évolution est le principe cosmique par excellence, et que sa loi soit de nous emporter à un arrêt du mouvement universel, que sont ces activités d’astres à qui l’éternité thermique n’a pas suffi pour épuiser leur destinée ? On ne s’étonnera pas qu’après un mouvement de surprise, nos savants se soient trouvés en disposition de réagir.


    observations ne nous permet pas encore de suivre, dans tous ses passages, le dynamisme, dont le principe de Carnot constate, non la dégradation, mais la disparition. La difficulté est que ce dernier mot accusant la contradiction entre les deux principes énoncés, nos savants (qui ne sont que des hommes), ont trouvé plus aisé de faire une théorie que d’attendre la suite des recherches en cours. M. Brunhes lui-même, qui veut que le monde matériel s’use et que les phénomènes y deviennent de plus en plus ternes ( ?) demande qu’ « on évite soigneusement de parler de l’entropie de l’univers ». Il n’en traite pas moins de « mensonge » la fameuse formule : « Rien ne se crée, rien ne se perd,  » et quand les deux grands principes de la thermodynamique ont été mis en cet état, je cherche vainement ce qui nous reste entre les mains. On s’avisera, quelque jour, que « l’entropie » (j’entends l’entropie du monde) fut enfantée dans un délire d’interprétation métaphysique, et déjà tout annonce qu’il ne manquera pas de théories pour la remplacer.