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Page:Clemenceau - Au soir de la pensée, 1927, Tome 2.djvu/140

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l’évolution

Moise avait des excuses. Depuis ces temps, que faisons-nous de l’expérience consignée ?

Est-elle donc si déconcertante cette idée d’évolution, qui sur-effare encore tant d’esprits effarés ? Il ne s’agit pourtant que d’interpréter la première, la plus ancienne, des sensations de la vie organique au contact du monde en mouvement. De quelque façon que l’on balbutie ou que l’on dogmatise l’univers, il en faut toujours venir a des aspects d’une chaîne d’activités. Nous ne pouvons découvrir que des effets divers d’un dynamisme universel auquel tout se rattache sans interruption. Avec ou sans le nom d’évolution, pour désigner l’activité des éléments, nous ne saurions rencontrer un mouvement qui ne soit tenu de se relier de l’antécédent au conséquent. Le monde inorganique et le monde organique ne sont que des états différents d’un ensemble dont les modes n’altèrent pas plus la nature que les formations solides, liquides ou gazeuses, en leurs dynamismes particuliers.

Le monde se meut : voilà le phénomène universel dans le cadre duquel s’enferme notre connaissance, puisque nous ne pouvons connaître que des déterminations de mouvements à travers lesquelles nos classifications subjectives nous permettent d’établir, au passage, des directions de rapports. L’évolution n’est ni plus, ni moins difficile à comprendre que la gravitation, que la lumière ou l’électricité ou toute autre forme de l’énergie cosmique.

Le mot de transformisme, plus attaché aux apparences du dehors, signes extérieurs, reste cependant moins suggestif que celui d’évolution, où s’inscrit l’enchaînement dynamique du phénomène qui précède au phénomène qui suit. Évoluer, c’est se développer suivant les correspondances des lois de l’organisme et du milieu. Ces lois ne se manifestent pour nous, que par des successions de rapports dans des directions déterminées. Que nous en cherchions la cause en des volontés extérieures, ou en des entités d’abstraction réalisée (comme l’élan vital de M. Bergson, ou la puissance dormitive de Molière), nous n’en arriverons pas moins aux compositions des moindres résistances pour déterminer la direction des processus. Ce sera la « gravitation universelle » des masses astrales, rejointe par l’atome et ses électrons.