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Page:Clemenceau - Au soir de la pensée, 1927, Tome 2.djvu/207

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au soir de la pensée

peuvent atteindre, se trouve mis au-dessus du débat. Il ne s’agirait plus que de déterminer les cycles en lesquels se résolvent des successions rythmiques de mouvements évolutifs sans commencement ni fin.

Dans l’ordre minéral, faussement dit « inorganique », les successions des complexes moléculaires d’organismes vont s’enchaînant selon la loi commune des individuations, jusqu’à des formes d’activités conjuguées. Le cristal est une de ces manifestations trop apparentes pour échapper à nos interprétations. Il marque nécessairement l’un des innombrables stages des innombrables évolutions qui conduisent, par des transitions incessantes de l’état dit minéral à l’état dit organique. Lorsque nous rencontrons le cristal, nous ne faisons que prendre acte, comme d’un point de repère, d’un moment d’évolution précédé d’un nombre indéfini d’autres moments qui nous ont échappé jusqu’ici.

La cristallisation est par excellence une manifestation des phénomènes élémentaires d’individuation, qui se résout, comme tous les autres, par des processus d’attractions différenciées. Le cristal solide, comme le cristal liquide, rappelant le plasma organique, est d’un préliminaire d’individuation. Il a un Moi distinct de ses congénères. Sa caractéristique est que, blessé, il se répare selon les lignes déterminantes de son être, ainsi que fait l’organisme « vivant ». C’est là, par excellence, le phénomène constitutif de l’individualité, puisque les lois qui lui ont donné un état élémentaire tendent à l’y maintenir, au lieu de l’immobiliser dans une profusion d’exemplaires juxtaposés. Nous saisissons là dans le monde minéral, la première caractéristique du monde « vivant », qui atteste l’effort pour le maintien de l’organisme constitué.

Maintenant, il s’agit de passer de l’individuation cristal à l’individuation cellule — demeurant entendu qu’il y a, de l’un à l’autre, des séries d’étapes, convergentes ou divergentes, qui se dérobent à notre observation. C’est que notre intelligence, capable de saisir seulement des mouvements de rapports, procède par bonds de phénomène en phénomène, impliquant des corrélations de mouvements dont elle reçoit la sensation en des successions de chocs fugitifs dont elle infère l’enchaînement. Y a-t-il d’autres individuations « minérales » que le cristal ? La