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Page:Clemenceau - Au soir de la pensée, 1927, Tome 2.djvu/253

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au soir de la pensée

détruisait les nids, par crainte des parasites. Au printemps, le drame reprenait son cours.

Toute cette histoire, pour illustrer le retour des hirondelles avec le printemps, puisque c’est mon sujet. Cela, je ne l’ai jamais vu. Mais la vieille tante, qui avait une tendresse pour ses hirondelles, aimait à le raconter. Au lever du jour, quand la saison ramenait le bouillonnement des jeunes sèves, la dormeuse était réveillée par des coups de bec, des battements d’ailes aux vitres familières, et la fenêtre ne tardait pas à s’ouvrir. Les hirondelles entraient joyeusement, avec de petits cris de bienvenue à l’amie retrouvée, décrivant leurs cycles au dedans comme au dehors, constataient que les nids étaient à reconstruire et déjà, sans doute, songeaient aux préparatifs. La maçonnerie commencée, ce n’étaient qu’allées et venues des oiseaux infatigables. On a vu la suite de l’histoire.

Ce que j’en retiens, c’est que les oiseaux arrivaient toujours au lever du soleil et par troupes de cantonnements. Départ en bloc, arrivée en groupes ordonnés selon les accommodations prévues. Comment se fait le passage de l’une à l’autre disposition ? Cherchez.

Si j’ai retenu l’attention du lecteur sur ces communs accomplissements d’intelligence animale, principalement dus, sans doute, à ce que les oiseaux possèdent de nombreuses gammes de signes qui leur permettent des complexités d’associations mentales, c’est moins pour montrer jusqu’à quel degré de manifestations concertées les animaux peuvent atteindre que pour faire apparaître, dans le plein de l’action, les séries d’enchaînements développées depuis les premières formes d’organismes vivants jusqu’à la mise en œuvre des coordinations supérieures, ou se rencontrent, aussi bien, tels ou tels manquements. Comparez ces activités d’intelligence avec l’excès de stupidité noire qui porte l’oiseau, grossièrement trompé, à couver l’œuf du coucou parmi les siens, pour gaver l’intrus aux dépens de la couvée que celui-ci aura bientôt fait de jeter par-dessus bord. Associations mentales, plus ou moins tôt à bout de course, pour un objet déterminé[1].

  1. Si des étonnantes aptitudes que l’oiseau met en œuvre dans un cas particulier, on s’avisait de conclure à d’autres manifestations générales des mêmes facultés en des occasions nouvelles, comme chez nous, on serait bien vite détrompé.