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Page:Clemenceau - Au soir de la pensée, 1927, Tome 2.djvu/326

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les âges primitifs

Fossiles de lémuriens, de singes, d’anthropoïdes, d’hominiens, d’hommes primitifs caractérisés, sont et demeureront d’un classement laborieux. Je me sers volontiers du mot pithécanthrope pour désigner la créature hominienne du Trinil. Le crâne de Cro-Magnon est certainement d’un homme. Mais les crânes de la Chapelle-aux-Saints, de Néanderthal, sont-ils d’hommes parlants? Beaucoup tiennent pour la négative. Qu’est-ce qu’un homme sans le langage articulé ? Que serait une pensée qui ne pourrait s’exprimer que par un cri ? L’idée se détermine par le langage qui agit sur elle, pour la former, comme elle réagira sur lui pour se préciser.

Analogue au cas du chimpanzé fossile, celui des singes catarrhiniens (à narines rapprochées) dont les fossiles attestent une plus grande proximité de l’homme que les exemplaires vivants de nos jours. Avec le chimpanzé, le gorille, le gibbon (anthropoïdes) sont présents dans le pliocène — le chimpanzé même dans le miocène. Ce pourrait être, nous dit-on, à l’éocène supérieur, c’est-à-dire dans la partie la moins ancienne du sédiment tertiaire le plus ancien, que nous aurions à remonter pour avoir chance de rencontrer le tronc commun de l’anthropoïde et de l’humain. En d’autres termes, quelle que soit la pauvreté de nos vestiges fossiles, il est désormais acquis que nous venons d’une antiquité prodigieusement reculée, d’autant qu’il nous faut remonter aux formes premières des vertébrés, l’amphioxus et même l’ascidie, et que, de là, le plongeon n’est pas d’une moindre profondeur jusqu’aux premières formations de la vie. C’est le temps et l’espace qui conditionnent l’univers, réalisant des enchaînements sans fin de phénomènes, en figures de miracles pour aboutir à des ensembles de coordinations évolutives.

En l’état actuel de la science, les preuves ostéologiques de l’existence de l’homme dans le terrain tertiaire ne sont pas administrées. Et sur la présence, dans le pliocène et le miocène, d’outils de silex plus ou moins grossièrement taillés, la discussion n’est pas près de finir. Les éolithes suggèrent trop aisément des ressemblances de hasard pour que nous puissions uniquement faire fond sur des apparences. En Angleterre, dans le pliocène supérieur, on a trouvé quelques pierres qu’on croit taillées, et l’une de ces pierres se trouvait prise dans l’os d’un éléphant

T. II.
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