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Page:Clemenceau - Au soir de la pensée, 1927, Tome 2.djvu/378

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La civilisation


Si l’idée générale d’un développement de vie civilisée nous oblige à remonter jusqu’aux évolutions profondes de la sensibilité individuelle, il se comprend assez que tous les groupements ethniques y pourront fournir leurs traits particuliers. En effet, tous les concours de connaissances et d’émotivités apporteront leurs composantes à l’œuvre générale d’un accroissement d’intelligence qu’il ne faut point confondre avec le développement de notre mécanisme industriel qui ne fournit que des moyens. C’est une autre chose de construire une locomotive, et de savoir ou l’on veut aller.

Troublé de toutes les compétitions d’intérêts dans la paix et dans la guerre, avec tous accès de fièvre ou d’apathie pour de médiocres résultats au jour le jour, le phénomène de mentalité sociale évolutive n’en demeure pas moins l’une des plus hautes manifestations d’une humanité en travail d’avenir. Dans quelle mesure y contribuent initiatives autoritaires et formations délibérantes avec leurs communs accompagnements de succès et de défaillances, c’est un grave sujet à débattre. Constitution de l’autorité publique, garanties des droits de l’individu, on a probablement tout dit sur ces matières, sans que les résultats aient toujours répondu aux espérances qui n’ont jamais manqué. Peut-être le plus sage est-il de faire confiance aux moyennes


    échauffé par le soleil et combiné avec les fluides électriques. Que sont les animaux, un bœuf, par exemple, sinon de la matière organique ? Eh bien, quand on voit que nous avons une constitution à peu près semblable, n’est-on pas autorisé à croire que l’homme n’est que de la matière mieux organisée, et dont ce serait l’état presque parfait ? Peut-être, un jour, viendra-t-il des êtres dont la matière sera encore plus parfaite ? Où est l’âme d’un enfant, d’un fou ? » La diversité des religions paraît, d’ailleurs, au souverain déchu, l’argument irrésistible contre la Révélation. « Je croirais à une religion si elle existait depuis le commencement du monde. » Et cette conclusion agressive : « N ’est pas athée qui veut. » Il avait fallu Waterloo pour mettre le bénéficiaire du couronnement de Notre-Dame face à face avec lui-même, et lui arracher l’aveu de sa pensée profonde sur ses propres moyens de gouvernement. Il ne voulut point emmener d’aumônier à Sainte-Hélène, et les enfants catholiques qui survinrent dans son entourage furent baptisés par un prêtre protestant. J’appelle l’attention sur ces faits parce qu’ils sont d’un enseignement positif sur la trop commune improbité des grands manieurs d’hommes, à cette différence près, que beaucoup ne se seraient pas trouvés de taille à risquer un tel aveu, s’ils n’avaient pas été les premières victimes de leurs propres prédications.