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Page:Clemenceau - Au soir de la pensée, 1927, Tome 2.djvu/498

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Et après ?

hauteur, d’émotivité hardiment poussée jusqu’aux parties de déséquilibre nécessaires pour le déclenchement des plus belles envolées d’énergie. Par cette raison même, le savant le plus savant n’obtiendra d’ordinaire qu’une admiration de confiance, tandis que la puissante sentimentalité du Bouddha, du Galiléen, de Mahomet, aura précipité des foules aux éclats de l’action désintéressée pour la mise en valeur d’un élan d’idéalisme dont l’occasion s’est présentée.

Des valeurs d’idéalisme, voilà le plus sûr de ce qui nous prend et nous tient et nous garde, sous des diversités de formes et de noms, jusqu’aux derniers battements de notre vie, sans que nous cherchions de trop près à faire la part du rêve et de la réalité. Concréter « l’idéal » dans un nom de Divinité fut d’un effort primitif à la portée de toutes méconnaissances. L’analyser par la théologie ou la métaphysique échut aux âges de raisonnement. Et l’heure, enfin, arrive où le Dieu, jadis maître absolu de l’homme défaillant, s’évanouit sous l’interrogation de l’homme redressé, pour ne laisser que la trace éphémère d’un nom sans objectivité.

Alors le jour d’une connaissance du Cosmos, en sa maîtrise universelle, est venu. Le jour de l’homme, puisque l’éternelle « nature des choses » va se voir directement demander des comptes par une postérité d’intelligences capables de regarder l’Infini sans pâlir. Suprême magnificence des féeries positives de l’atome aux courses infinies des astres enflammés, dont les incendies s’achèveront aux activités des organismes vivants et pensants, qui oseront questionner l’univers, et, pour dernière merveille, en recevront des réponses. Qu’est-ce que les pauvres miracles des livres saints en comparaison de cet éblouissement ?

Délivré de l’obsession divine, l’homme s’arroge, en effet, le droit d’un jugement subjectif du Cosmos où il est inclus. Il se découvre infime, mais capable, pourtant, d’une réaction de pensée personnelle sous la loi des énergies cosmiques qu’il lui échoit la fortune de connaître, de jauger. Son infimité même ne lui devient-elle pas le plus beau titre d’une relation de grandeur entre le monde infini qui s’ignore, et la particule organique qui se sent vivre, c’est-à-dire, pour un temps, s’opposer ?

Toute l’histoire de l’homme, dont nous faisons entre nous tant de tapage, se résume ainsi à savoir s’il se montrera, ou non,