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grandeurs et misères d’une victoire

conquête, c’est la revanche des peuples conquis. »

Nous avions fait une guerre d’alliés dans de décor, à chaque instant faussé, du commandement unique. Nous ne pouvions éviter de faire une paix d’alliés. J’en demande bien pardon à la mémoire d’Attila et de ses congénères, mais l’art de faire vivre les hommes est encore plus complexe que celui de les massacrer. La tâche véritable — absolument nouvelle — était la tentative de faire positivement une Europe de droit. En dépit de l’incompréhension de quelques-uns, ce sera la gloire du Traité de Versailles de l’avoir tenté. Il dépendra des gouvernements à venir d’y travailler autrement que par des fléchissements de volonté. La réalisation d’une Europe de droit, cela c’était la plus grande victoire, celle que Napoléon, ni Foch, n’ont voulu remporter, et qui de mandait quelque chose de plus que d’heureux coups de stratégie.

L’Angleterre fut historiquement notre plus vieille ennemie. Et voici que nous nous sommes réciproquement sauvés après avoir donné, de part et d’autre, à cette œuvre, le meilleur de notre sang. Ne faut-il pas que nous essayions de faire une paix durable en l’honneur de ceux sans qui nous ne serions plus ?

Cela est bientôt dit. Mais pour les réalisations, il faut une largeur de vues et une puissance de volonté, fort au-dessus de ce que peut fournir le vulgaire de l’humanité gouvernante, laquelle trop souvent ne tient au présent qué par des débris historiques de sensations périmées. Nous vivons ainsi sur les traditions du passé qui s’imposent à nos yeux, aux lueurs de mots générateurs d’espérances trop tôt dissipées. Cela nous permet des parures de