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Page:Coenobium - volume 4.1, 1910.djvu/16

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et à Schelling et défenseur, en gnoséologie, de la possibilité du miracle.

Mais le plus remarquable des philosophes russes de cette époque est Nicolaï Lossky. Il pousse l’audace jusqu’à la témérité, il est, en apparence, paradoxal et se laisse difficilement saisir du premier coup. On confond aisément la gnoséologie qu’il a exposée dans son livre Le Fondement de l’Intuitisme avec le monisme immanent de Shuppe ou les théories d’Avenarius. En réalité l’empirisme de Lossky a sa méthode propre, il est entièrement mystique et poursuit, bien qu’à sa manière, les traditions de la philosophie russe. Lossky part non pas de Hegel et de Soloviev, mais de Leibnitz et de Kozlov. Il a senti la nécessité de briser les sceaux des monades, de nier leur isolement et d’y tailler portes et fenêtres. Le principal intérêt de la philosophie de Lossky est dans sa critique de la distinction du sujet et de l’objet et sa démonstration qu’il n’y a ni opposition ni frontière infranchissable entre eux. Suivant Lossky l’expérience ne fournit pas un état de conscience individuel et fermé, mais l’Être universel et sans limites. L’objet de la connaissance est immanent au processus de la connaissance, l’Être devient immédiatement pensée. Telle est sa thèse essentielle. L’union du sujet et de l’objet, l’accession de la pensée à l’Être ne peuvent être affirmés que par l’intuitisme ou empirisme mystique. Lossky veut réhabiliter à nouveau le vieil intuitisme. Mais il est original en ce qu’il accepte l’expérience immédiate du monde extérieur et tient toute connaissance pour intuitive. Pour Lossky la connaissance est la possession par l’objet, la pénétration de la réalité même dans le sujet, et le critérium de la vérité est objectivement réel, il est dans la réalité même, dans la nécessité de sa présence dans la connaissance ; il n’est pas idéal, il n’est pas dans le sujet. Pour le développement positif de ces idées gnoséologiques, Lossky se réfère à la critique du rationalisme antérieur à Kant, de l’empirisme et du criticisme Kantien. Dans tous ces courants, Lossky voit un élément de la vérité, mais sans la solution du problème gnoséologique. Lossky est un adversaire très redoutable et très dangereux du Kantisme et de toutes ses récentes transformations. Il va contre l’esprit de toute la philosophie la plus récente qui a définitivement séparé le sujet de l’objet. Lossky est réaliste ; le centre de gravité, pour lui, est dans l’Être et non dans la pensée. Il considère même les lois de la logique comme des propriétés de l’Être même. En Lossky s’est reflétée cette crise de la philosophie de notre époque après laquelle elle doit inévitablement revenir à l’Être, à la réhabilitation