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Page:Coignet - Les Cahiers du capitaine Coignet, 1883.djvu/279

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LES CAHIERS

En me voyant, il entre dans une maison d’apparence où se trouvait un factionnaire ; il portait un baquet plein ; je passe mon chemin, mais au détour de la rue, je me blottis le long du mur. Mon paysan revient avec son baquet ; je l’arrête en lui parlant sa langue. Quelle surprise ! Son baquet était plein de vin. Il fut contraint de s’arrêter devant moi, tenant son baquet des deux mains, et moi, l’arme aux pieds, je me mets à boire à grands traits, et recommence une seconde fois. Je puis dire n’avoir jamais bu si avidement, cela me donna des jambes pour faire mes trois lieues, et je rejoignis mes camarades le cœur content.

Nous arrivâmes au village de Schœnbrunn à minuit ; nos officiers eurent l’imprudence de nous laisser reposer à un quart d’heure de chemin du château pour prendre les ordres de l’Empereur qui fut surpris d’une pareille nouvelle et furieux : « Comment, vous ayez fait faire à mes vieux soldats quarante et des lieues dans deux jours ? Qui vous a donné l’ordre ? Où sont-ils. — Près d’ici. — Faites-les venir que je les voie ! »

Ils vinrent aussitôt nous faire lever, mais nos jambes étaient raides comme des canons de fusil, nous ne pouvions plus avancer, il fallut prendre nos fusils pour nous servir de béquilles pour finir d’arriver. Lorsque l’Empereur nous vit courbés sur la crosse de nos fusils, pas un de