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Page:Colet - Promenade en Hollande.djvu/104

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PROMENADE EN HOLLANDE.

non satisfaite a-t-elle été moins ressentie ? l’ascète est-il moins puissant que le débauché ?

Je quittai Rotterdam pour faire ma seconde année d’études médicales à Paris. Aux vacances de Pâques, j’accourus chez moi pour embrasser mes parents. J’appris d’eux que Van Hopper se mourait, et je me rendis aussitôt auprès du bon vieillard. Je le trouvai assis dans un grand fauteuil, dans la serre de sa maison. Ses deux filles (car il avait toujours traité Rosée comme si elle eût été de son sang) étaient agenouillées auprès de lui. Elles cherchaient à lui arracher un mot, un geste, un regard ; mais sa torpeur était complète : à peine ses yeux appesantis s’entr’ouvraient-ils par moments, mais sans paraître reconnaître celles qui lui parlaient. En m’apercevant, les deux jeunes filles poussèrent presque un cri de joie : « Oh ! venez vite, me dire-elles, et rappelez-le à la vie ! »

Je tâtai son pouls, il n’avait plus que de faibles pulsations. J’eus beau lui parler, il ne m’entendait point ; mais son cœur battait toujours.

« Il ne souffre pas, leur dis-je, mais je crois bien qu’il touche à sa fin.

— C’est moi qui l’ai tué par ma folle douleur ! s’écria Marguerite.

— Et moi par mes larmes, ajouta Rosée.

— Il était déjà bien mal quand je l’ai vu, il y a six mois, repris-je pour les consoler un peu.