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Page:Colet - Promenade en Hollande.djvu/123

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PROMENADE EN HOLLANDE.

« Et ne voyez-vous pas, repris-je en m’adressant à Marguerite et à Rosée, que c’était peut-être là le vrai et seul motif de leur brusque départ pour les Indes ? Peut-être leur cœur sentait-il qu’il s’était trompé de direction, et ils n’osèrent pas vous le dire. »

Ce n’était là qu’une conjecture toute gratuite ; Georges la saisit au vol avec une joie de don Juan.

« Vous pourriez bien avoir deviné juste, » dit-il. Guillaume ne le démentit point.

Les deux femmes baissaient les yeux et semblaient regarder en elles-mêmes.

« Et d’ailleurs laissons le passé, dont quinze ans nous séparent, repris-je : ne songez qu’à l’émotion actuelle, qu’au premier mouvement de cette heure de réunion ; sachez être sincères comme je le suis, et avouez que vous vous sentez attirés dans le sens que j’indique. »

Marguerite osa parler la première :

« Eh ! que diraient les railleurs de Rotterdam de ce singulier échange ?

— Les railleurs de Rotterdam, répliquai-je, ont eu le temps d’oublier, pendant quinze ans, lequel des deux voyageurs est le fiancé de l’une ou l’autre jeune fille. Le notaire seul qui a dressé les contrats pourrait le constater. Or, le pauvre homme est mort et vous n’avez rien à craindre de son ombre. »

Ils se mirent à rire tous les quatre, et, comptant sur leur acquiescement secret, je continuai :