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Page:Colet - Promenade en Hollande.djvu/226

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PROMENADE EN HOLLANDE.

Le docteur sourit tristement, sans me répondre.

— Eh quoi, repris-je, me tromperais-je, et cette apparence de bonheur et de prospérité cacherait-elle, comme en Angleterre, des ulcères qui rongent la société ?

— Moins dévorantes, reprit le docteur, mais assez vives, assez douloureuses pour préoccuper le philosophe et lui faire souhaiter des épurations nombreuses. Nous sommes un peuple libre, avez-vous dit. Personne ne tient plus que moi à la liberté politique, mais le droit de la liberté ne doit pouvoir s’exercer que pour le bien : aussitôt qu’il s’agit du mal, il faut qu’il trouve des entraves infranchissables. Vous parlez de la pureté de nos mœurs : elle n’est qu’apparente et hypocrite comme en Angleterre. Et tenez, poursuivit-il en étendant la main vers une rue qui se déroulait devant nous brillamment éclairée, voyez ces groupes d’enfants, de pauvres filles qui ont à peine douze ans : la prostitution est permise à cet âge dans notre pays de liberté ! Chaque rue a une maison de jeu où même les adolescents peuvent entrer la nuit, et une maison de loterie où les pauvres ouvriers vont aventurer le jour l’argent qui doit payer leur pain. Les tavernes abondent dans tous les quartiers ; on s’y abandonne, toujours de par la liberté, à toutes les turpitudes de l’ivresse ; ces chants de matelots qui retentissent sur votre passage, et qui empêchent la