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Page:Colet - Promenade en Hollande.djvu/260

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PROMENADE EN HOLLANDE.

S’effarant au bord de la route
Au beuglement de la vapeur,
La troupe de poulains qui broute
Bondit, hennissante de peur.

Plus loin passe une pauvre veuve,
Marchant pieds nus sur le chemin,
Et montrant la semelle neuve
Des souliers qu’elle tient en main.

Elle a tous ses joyaux de noce,
Ses pendeloques d’or luisant,
Et sa croix relevée en bosse
Sur son fichu noir reposant.

Sa robe troussée à la hanche
Montre un jupon rouge en dessous,
Et la courte chemise blanche
Qui frôle la chair des genoux.

Sa coiffe de grosse dentelle
Cache la neige des cheveux.
Triste et pauvre vieille, où va-t-elle,
Pieds nus, par les sentiers boueux ?

Ses enfants l’auraient-ils chassée ?
Va-t-elle accomplir quelque vœu
Jusqu’à la tombe délaissée
Du mari qui repose en Dieu ?

Qui donc me dira son histoire ?
Le wagon fuit ; la vieille est loin ;
Mais pour toujours dans ma mémoire
Elle habite un tout petit coin.

Et en effet, comment l’oublierais-je, cette pauvre femme au visage si grave et si triste ? Elle a dû être