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Page:Colet - Promenade en Hollande.djvu/282

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PROMENADE EN HOLLANDE.

albums et des couteaux à papier en bois de Spa. C’est ma dernière heure de far niente, ma dernière heure d’écolier en voyage. Il faut partir, le chemin de fer a fait entendre son premier signal.

Le hasard me place dans le même wagon que la jeune fille belge, dont le père est un armateur d’Anvers. Elle tient à la main le beau bouquet, sa mère regarde d’un air courroucé l’élégant prince russe debout près de la portière ; le dernier signal est donné, le train se meut et va courir, la jeune fille se penche et salue avec émotion le bel étranger, et je l’entends lui donner à voix basse rendez-vous aux bains de mer d’Ostende. Nous voilà partis à toute vapeur : alors la jeune fille se penche dans un angle, ferme les yeux, et semble s’endormir en reposant sa joue sur les fleurs qu’elle emporte. La mère, intérieurement tourmentée, commence par exprimer à son mari les craintes que lui inspire le jeune prince russe, et bientôt disposée, je ne sais pourquoi, aux confidences envers moi, elle me demande si j’habite Paris et si j’ai une fille. À ma réponse doublement affirmative, elle me dit :

« Eh bien, madame, suivez mon conseil, ne faites pas élever votre fille au couvent du Sacré-Cœur ; vous voyez la mienne !…

— Elle est charmante, interrompis-je.

— Une tête romanesque, un esprit absolu, reprit la mère.