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Page:Colet - Promenade en Hollande.djvu/30

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PROMENADE EN HOLLANDE.

cette exquise propreté qui est une des grandeurs de la Hollande. La nuit est venue, mais une pleine lune limpide et lumineuse argenté le fleuve et éclaire ses bords. Je reste debout sur le pont ; j’aime à contempler cette Meuse dont la source et le nom sont français, et qui jaillit en blanche écume sous la roue stridente de la vapeur. Sur les rives se déploient ou s’élèvent des champs, des bois, des villages, des églises, des châteaux, tout un pays cultivé, riche, heureux.

Lorsque l’humidité de la nuit m’oblige à aller me réchauffer dans la salle des voyageurs, j’y surprends des scènes de tableaux hollandais que le daguerréotype voudrait fixer. Autour des tables de marbre blanc d’une propreté et d’une élégance rares sont assis les voyageurs. J’en remarque d’abord un d’une cinquantaine d’années, à la chevelure entièrement noire et abondante, au nez recourbé, aux yeux brillants, aux dents aiguës mais blanches : tous ses traits trahissent la belle et forte race juive.

Cet homme est robuste et grand ; mais en ce moment on ne voit pas sa taille : elle s’arrondit pour ainsi dire en cerceau sur la table couverte de journaux. Il lit attentivement et prend des notes sur un carnet ; il tient presque toujours les journaux à la quatrième page et y cherche la hausse et la baisse de toutes les Bourses du monde : on devine un riche négociant de Rotterdam ou d’Amsterdam. Téniers