Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/113

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supposer l’intelligence la moins obtuse de toutes celles de l’endroit.

— Je crains bien, dit miss Halcombe, que le maître d’école se soit trouvé occupé de sa classe justement à l’heure où cette femme a dû, en allant et en revenant, traverser le village. Cependant, il n’en coûte rien d’essayer…

Nous entrâmes dans l’enclos destiné aux jeux des écoliers, et, en faisant le tour afin de gagner la porte, située à l’autre extrémité du bâtiment, nous passâmes près de la fenêtre qui éclairait la salle d’étude. Je m’y arrêtai un moment, et je regardai.

Le maître d’école, assis dans sa haute chaire et me tournant le dos, paraissait en train de haranguer les élèves, tous groupés devant lui, à une exception près. C’était un petit entêté, à cheveux blonds et presque blancs, debout dans un coin, sur un tabouret, et mis à part comme une brebis galeuse, — une espèce de Crusoé en miniature, condamné, par voie pénale, à vivre seul dans cette manière d’île déserte.

La porte, quand nous y parvînmes, était ouverte à moitié, et arrêtés sous le porche, pendant à peu près une minute, nous entendions clairement la voix du maître d’école.

— Enfants, disait cette voix, prenez garde à mes paroles !… Si j’entends une seule fois encore, dans cette école, de pareilles balivernes à propos « d’esprits, » vous vous en trouverez mal, tous tant que vous êtes. Des esprits, il n’y en a pas en ce monde ; par conséquent, tout enfant qui croit aux esprits, croit en une chose qui ne saurait être ; or, un élève de l’école de Limmeridge, croyant à une chose qui ne saurait être, tourne le dos à toute raison, à toute discipline, et s’attire par là un châtiment bien naturel. Vous voyez tous là-bas, sur ce tabouret de punition, Jacob Postlethwaite. Il a été mis en pénitence, non pour avoir dit qu’un esprit lui était apparu hier soir, mais parce qu’il est trop effronté, trop obstiné pour ouvrir l’oreille à la raison, et parce qu’il persiste à dire qu’il a vu l’esprit, bien que je lui aie dit, moi, que