Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/216

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jours que je pense à tout ceci, continua-t-elle, roulant et mêlant ma chevelure sous ces doigts dont toute la patience de mistress Vesey n’a pu calmer encore la mobilité nerveuse ; — j’y ai pensé très-sérieusement, et je puis compter sur mon courage, lorsque ma conscience me dit que j’ai raison. Laissez-moi m’expliquer avec lui dès demain, — en votre présence, Marian ! Je ne dirai rien de mal, rien dont vous ou moi nous ayons à rougir ; — mais quel soulagement pour mon cœur d’en finir avec cette dissimulation misérable ! Ce qu’il me faut, avant tout, c’est de savoir et de sentir que, de mon côté, je n’ai à me reprocher aucune tromperie ; et alors lorsqu’il saura ce que j’ai à lui dire, qu’il agisse vis-à-vis de moi comme il voudra ! — …

Avec un soupir profond elle replaça sa tête sur ma poitrine. De tristes pressentiments sur l’issue de ce qui allait se passer vinrent oppresser mon esprit, mais, continuant à me méfier de moi, je lui dis que je me conformerais à ses vœux. Elle me remercia ; et, peu à peu, nous en vînmes à parler d’autre chose.

Nous nous retrouvâmes au dîner, et je l’y vis plus elle-même, plus à son aise avec sir Percival que cela ne m’était jamais arrivé. Elle se mit au piano, dans la soirée, choisissant des morceaux de musique comme on les fait à présent, hérissés de difficultés, brillants, étourdissants et sans mélodie. Depuis le départ du pauvre Hartright, elle n’a pas exécuté une seule de ses charmantes cantilènes de Mozart, pour lesquelles il avait un goût si prononcé. Le cahier même qui les renferme n’est plus dans le pupitre à musique. Elle l’en a elle-même ôté pour que personne, venant à le feuilleter, ne lui demande un des morceaux qu’il contient.

Aucune occasion ne me fut donnée de constater si elle avait ou non changé d’avis depuis le matin, jusqu’au moment où elle souhaita le bonsoir à sir Percival, et j’appris alors, de sa bouche même, qu’elle persistait dans sa résolution. Elle lui dit, en effet, d’un ton fort calme, qu’elle désirait lui parler le lendemain après le déjeuner, et qu’il la trouverait, ainsi que moi, dans son boudoir, où elle comp-