Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/264

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tracassière et beaucoup plus spirituelle qu’autrefois. En revanche, au sujet du comte Fosco (il m’intéresse bien plus que sa femme), Laura est d’une circonspection, d’un mutisme provocants. Elle me dit seulement qu’il « l’intrigue », et ajourne le détail de l’impression qu’il produit en elle, au temps où, l’ayant vu moi-même, j’aurai pu me former une opinion sur lui.

À mon sens, c’est là, pour le comte, un mauvais coup de cloche. Ma sœur a conservé, bien plus intacte qu’elle ne l’est en général chez les grandes personnes, cette faculté subtile des enfants qui leur sert à démêler, d’instinct, un ami ; et si j’ai raison de penser que sa première impression n’a pas été favorable au comte Fosco j’ai grand’peur de prendre en méfiance, à peine l’aurai-je dévisagé, cet « étranger de distinction. » Mais, patience, patience, patience ; cette incertitude-là et bien d’autres, n’ont pas longtemps à durer. La journée de demain mettra tous mes soupçons en bonne voie d’être éclaircis, un peu plus tôt ou un peu plus tard.

Minuit vient de sonner, et après un coup d’œil jeté par ma fenêtre ouverte, je me rassois pour clore ce long paragraphe.

La nuit est calme, étouffante et sans lune ; les étoiles sont rares et ternes. Les arbres qui, de tous côtes, bornent la vue, noirs et solides comme on les voit à distance, ressemblent à une grande muraille de rochers. J’entends au loin le faible coassement des grenouilles ; et les échos de la grande horloge vibrent encore, dans l’atmosphère immobile, longtemps après que le marteau a cessé de frapper. Je ne sais quelle mine Blackwater-Park peut avoir, en plein jour. Vu de nuit, il ne me plaît guère.

« 12 juin. » — Journée d’investigations et de découvertes, — journée plus intéressante, pour bien des raisons, que je n’aurais osé l’espérer.

J’ai naturellement commencé mon inspection par le château.

Le corps principal de l’édifice date du temps de cette femme si étrangement surfaite, la reine Élisabeth. Au