Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/384

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Je pressentis, à l’instant, que le départ de Fanny nous offrait, pour communiquer avec Londres et avec Limmeridge-House, un moyen sûr qu’il pouvait être très-important de saisir. Je lui dis, en conséquence, qu’elle devait s’attendre à recevoir dans la soirée quelque message de sa maîtresse ou de moi, et pouvait compter que nous tâcherions toutes deux de lui venir en aide dans l’épreuve, peut-être provisoire, qu’elle allait subir en nous quittant. Ces paroles dites, je lui offris une poignée de main, et montai au premier étage.

La porte par laquelle on arrivait à la chambre de Laura était celle d’une antichambre donnant sur le couloir. Quand je voulus l’ouvrir, je m’aperçus que le verrou intérieur était poussé.

Je heurtai aussitôt, et la porte fut ouverte par cette lourde et grosse servante dont l’insensibilité, digne d’une bûche, avait mis ma patience à une si rude épreuve le jour où je trouvai le chien blessé. Depuis, j’avais découvert qu’elle s’appelait Margaret Porcher, et qu’elle était la plus maladroite, la plus sordide, la plus entêtée de nos femmes de service.

La porte ouverte, elle se plaça aussitôt sur le seuil, et se tint devant moi dans un silence obstiné, grimaçant je ne sais quel sourire.

— Pourquoi restez-vous là ? lui dis-je. Ne voyez-vous pas que je veux entrer.

— Ah ! oui, mais il ne faut pas… Ce fut toute la réponse que j’obtins, avec une autre grimace plus accentuée encore que la première.

— Comment osez-vous me parler ainsi ? Faites-moi place à l’instant !…

Elle étendit de chaque côté, comme pour me barrer le passage, un gros bras orné d’une main rouge, et, de sa tête stupide, elle m’adressait lentement un geste négatif.

— Ce sont les ordres de monsieur, disait-elle, toujours en branlant la tête.

J’eus besoin de tout mon empire sur moi-même pour m’empêcher de discuter l’affaire avec elle, et pour me remettre en mémoire que toute parole sur ce sujet devait