Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/432

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— Ah ! vous ne voulez pas me répondre ?… Soit, alors. Supposons que votre femme vienne à mourir avant la fin de l’été…

— Laissez cela, Fosco !

— Votre femme, donc, vient à mourir…

— Laissez cela, vous dis-je !

— Le cas échéant, vous gagnez vingt mille livres sterling, et vous perdez…

— Je perdrais la chance des trois mille guinées de rente.

— La chance bien ajournée, Percival… une simple chance, à bien longue date. Et c’est présentement que vous avez besoin de finance. Dans votre position, le profit est certain, la perte est douteuse.

— Parlez pour vous-même aussi bien que pour moi. Une partie de l’argent dont j’ai besoin a été empruntée pour votre compte. Et, quant à ce qui est du profit, la mort de « ma » femme, qui ferait tomber vingt mille livres sterling dans ma poche, en mettrait dix mille dans la vôtre. Il paraît, finaud, que vous voudriez feindre d’oublier le legs de madame Fosco… Voyons… voyons ! ne me regardez pas ainsi !… Cela ne saurait me convenir. Sur mon âme, avec vos regards et vos questions, vous me faites frisonner, vous me donnez la chair de poule !

— La chair ?… est-ce qu’en anglais le mot « chair » équivaut au mot « conscience » ? Je parle de la mort de votre femme comme je parlerais de tout autre événement possible. Et pourquoi pas, je vous prie ?… Les respectables jurisconsultes qui griffonnent vos contrats et vos testaments envisagent sans pâlir la mort des personnes les mieux portantes. Est-ce que ces braves gens de loi vous donnent « la chair de poule » ? Et sinon, pourquoi vous la donnerais-je, moi ? Mon affaire, ce soir, est d’éclairer votre position de manière à ne pas laisser place au moindre malentendu ; et c’est ce qui est fait maintenant. Votre position, la voici. Si votre femme vit, vous payerez les billets au moyen de la signature qu’elle mettra sur ce parchemin. Si elle meurt, vous les payerez au moyen de sa mort.