Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/488

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inquiétudes. Un messager partit pour aller chercher à domicile sa pharmacie portative ; on garnit la chambre de substances désinfectantes, et le docteur lui-même se fit dresser un lit dans le château. — La fièvre a-t-elle pris un caractère contagieux ? lui demandai-je tout bas. — Je le crains, répondit-il. Nous en saurons plus long demain matin…

D’après les instructions de M. Dawson, lady Glyde ne fut point informée de ce changement inquiétant. Il lui défendit lui-même, dans les termes les plus péremptoires et au nom de sa santé si éprouvée, de veiller avec nous cette nuit-là. Elle voulut résister, ce qui amena une scène déplorable ; mais il fit prévaloir son autorité médicale, et de haute lutte emporta la question.

Le lendemain matin, un des domestiques fut envoyé à Londres, sur les onze heures, avec une lettre pour un des médecins de la capitale et ordre exprès de ramener avec lui ce nouveau consultant par le premier train dont ils pourraient disposer. Une demi-heure après le départ du messager, le comte rentrait à Blackwater-Park.

La comtesse, prenant sur elle la responsabilité de cette démarche, l’amena immédiatement auprès de la malade. Je ne vois pas qu’en agissant ainsi elle ait commis la moindre inconvenance. Sa Seigneurie était un homme marié, d’âge à être le père de miss Halcombe ; enfin, il la voyait sous les yeux d’une parente, la propre tante de lady Glyde. M. Dawson n’en protesta pas moins contre sa présence dans l’appartement ; mais, je le remarquai sans peine, le docteur était trop alarmé pour faire, à cette occasion, une résistance sérieuse.

La pauvre patiente se trouvait désormais hors d’état de reconnaître ceux qui l’entouraient. Elle semblait prendre ses amis pour ses ennemis. Quand le comte arriva près de son chevet, ses yeux qui, auparavant, se portaient sans cesse alternativement sur tous les points de la chambre, s’arrêtèrent alors sur le visage de Sa Seigneurie avec un effarement de terreur dont je me souviendrai jusqu’au dernier jour de ma vie. Le comte s’assit auprès d’elle, tâta son pouls, puis ses tempes ; il la regarda très-atten-