Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/650

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curiosité, ou plutôt ma méfiance, fut tout à coup en éveil. Je résolus donc, à mon tour, de ne pas le perdre de vue, et de découvrir ce que pouvait être sa mission actuelle. Sans trop me soucier s’il me voyait ou non, je marchai sur ses traces. Il ne regarda pas en arrière une seule fois, et me conduisit, à travers les rues, tout droit à la station du chemin de fer.

Le train était sur le point de se mettre en mouvement, et deux ou trois voyageurs attardés se groupaient autour du petit guichet par où les billets sont distribués. Je les rejoignis, et j’entendis très-distinctement mon clerc de procureur demander une place pour la station de Blackwater. Avant de me retirer, je voulus être certain par moi-même que le train emportait cet individu.

Je ne pouvais interpréter que d’une seule manière ce que je venais de voir et d’entendre. L’homme en question, j’en étais sûr, avait quitté une maison située dans le voisinage immédiat de mistress Catherick. Il avait été posté là (comme locataire probablement) par ordre de sir Percival, dans la prévision que, tôt ou tard, mes recherches m’amèneraient à entrer en communication avec mistress Catherick. Il m’avait vu sans doute entrer et sortir, et s’était sauvé par le premier train pour aller porter son rapport à Blackwater, où sir Percival devait naturellement se transporter (au courant comme il l’était bien évidemment de mes moindres démarches), afin de se trouver sur son terrain si je revenais dans le Hampshire. Il ne devait plus maintenant s’écouler de bien longs jours, suivant toute probabilité, avant qu’une rencontre eût lieu entre lui et moi.

À quelques résultats que les événements dussent nous conduire, je résolus de suivre mon chemin directement à mon but, sans m’arrêter ou me détourner pour sir Percival ou pour tout autre. L’énorme responsabilité qui, à Londres, pesait sur moi, — et qui m’obligeait à régler mes moindres actions de manière à éviter qu’elles fissent accidentellement découvrir le refuge de Laura, — cette responsabilité se trouvait écartée, maintenant que j’étais dans le Hampshire. Je pouvais, à Welmingham, aller et