Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/745

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Le passage auquel je fais allusion se rencontre dans cette partie de son Journal où elle fait le portrait physique du comte, et analyse en même temps son caractère. Elle le dépeint comme « n’ayant pas, depuis des années, franchi les frontières de son pays natal ; » comme « particulièrement désireux de savoir si quelque gentleman italien ne serait pas établi dans la petite ville la plus proche de Blackwater-Park ; » — comme « recevant des lettres couvertes de toutes sortes de timbres bizarres, et dont l’une, entre autres, était scellée d’un cachet énorme, qui lui donnait un air officiel. » Elle incline à croire, pour s’expliquer le long séjour du comte hors de son pays, qu’il pourrait bien être exilé politique. Mais elle ne sait, d’un autre côté, comment concilier cette idée avec la réception d’une lettre arrivant de l’extérieur, et portant ce grand sceau diplomatique ; — les lettres qui arrivent du continent à l’adresse des exilés politiques n’ayant guère coutume de solliciter, par ces dehors pompeux, l’attention des bureaux de poste étrangers.

Les considérations que le Journal de Marian m’offrait ainsi, combinées avec certaines conjectures à moi qui en dérivaient naturellement, me suggérèrent une conclusion à laquelle je m’étonnai de n’être pas arrivé plus tôt. Je me disais maintenant ce que Laura, jadis, à Blackwater-Park, avait dit à Marian, ce que madame Fosco avait surpris en écoutant aux portes : — Le comte est un espion !

Laura lui avait appliqué ce mot, tout à fait au hasard, dans le premier élan de la colère toute naturelle que lui inspiraient ses procédés. Je le lui appliquai, moi, délibérément, convaincu que son métier, dans la vie, était, en effet, le métier d’espion. Dans cette hypothèse, les motifs qui le faisaient rester en Angleterre, contre toute probabilité, si longtemps après avoir obtenu les résultats matériels du complot tramé contre Laura, ces motifs me devenaient parfaitement intelligibles.

L’année à laquelle me reporte le récit actuel, était celle où avait eu lieu, dans Hyde-Park, la fameuse Exhibition du Palais de Cristal. Des étrangers, en nombre bien plus