Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/791

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lence, le pays de la félicité domestique ; — n’était-il pas merveilleusement opportun de s’y établir sous de tels auspices ?

Le lien d’amitié qui nous unissait, Percival et moi, trouvait une force nouvelle, en cette occasion, dans la touchante analogie de notre position pécuniaire. Tous les deux, nous avions besoin d’argent. Nécessité immense ! besoin universel ! Se trouverait-il un être civilisé qui refusât sa sympathie à notre situation ? Combien un pareil homme serait insensible ! ou quelle fortune il aurait !

Je n’entrerai pas dans de sordides détails sur cette partie de mon sujet. Ils répugnent à une intelligence comme la mienne. Avec une austérité toute romaine, j’étale ma bourse vide, et celle de Percival, aux yeux du public frappé d’horreur. Que ce fait déplorable, une fois pour toutes, s’affirme ainsi lui-même, et passons notre chemin !

Nous fûmes reçus au château par cette magnifique créature inscrite dans mon cœur sous le nom de Marian, — et qui, dans les froides relations du monde, porte celui de miss Halcombe.

Juste ciel ! avec quelle inconcevable rapidité j’appris à chérir cette femme. Mes soixante ans ne m’empêchèrent pas de l’adorer avec la volcanique ardeur de l’adolescence. Tout l’or de ma riche nature fut en vain répandu à ses pieds. Ma femme, — la pauvre ange ! — ma femme dont je suis l’idole, n’eut plus rien de moi que la petite monnaie d’appoint. Tel est le monde ; tel est l’homme ; tel est l’amour. Que sommes-nous, je le demande, autre chose que des marionnettes sur un théâtre en plein vent ? Omnipotent destin, tire doucement la ficelle ! De nos misérables tréteaux, fais-nous d’une main clémente sortir en sautillant joyeusement !

Les lignes ci-dessus, interprétées comme elles doivent l’être, représentent un système entier de philosophie. Et le système est le mien.

Je reprends.

Notre situation domestique, au début de notre séjour