Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/818

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montrer ! Les cris enthousiastes qu’il obtint pour réponse et qui reprirent à plusieurs fois, furent à mes oreilles assourdies la plus douce musique qu’elles eussent jamais entendue. Les laboureurs du village et les garçons de l’école, groupés sur la pelouse, entendirent ces bravos étourdissants, et nous les renvoyèrent en échos prolongés. Les bonnes fermières accourues autour de Laura, se disputaient à qui la première lui serrerait la main, et tandis que leurs joues ruisselaient de larmes, la conjuraient de tenir bon, de ne pas pleurer.

Mais elle était si émue, si hors d’elle, que je fus obligé de la leur enlever et de la porter jusqu’au seuil de la pièce. Là, je la remis aux soins de Marian, de cette Marian qui ne nous avait jamais manqué jusqu’alors, et dont le courageux sang-froid ne nous manqua pas davantage ce jour-là. Resté seul à la porte, et après avoir remercié toutes les personnes présentes, au nom de Laura et au mien, je les invitai à me suivre dans le cimetière, où elles verraient, de leurs yeux, disparaître l’inscription menteuse.

Elles quittèrent toutes le château, et allèrent se joindre à la foule des villageois réunis autour du tombeau, près duquel nous attendait l’ouvrier sculpteur. Ce fut au milieu d’un silence profond que le premier choc de l’outil d’acier retentit sur le marbre. On n’entendit pas une voix, et personne ne bougea jusqu’à ce que ces trois mots : « Laura, Lady Glyde » eussent complètement disparu. Il y eut alors, parmi la foule, un grand soupir de soulagement, comme si elle comprenait qu’à ce moment-là même tombaient les derniers anneaux de la chaîne rivée autour de Laura. L’assemblée, ceci fait, se dispersa lentement. Il fallut ensuite presque toute la journée pour effacer tout le reste de l’épitaphe. À sa place, ultérieurement, on n’a gravé qu’une ligne : « Anne Catherick, 25 juillet 1850. »

Je revins à Limmeridge-House, le même soir, assez tôt pour prendre congé de M. Kyrle. Lui, son clerc et le cocher John Owen s’en retournaient à Londres par le train de nuit. Après leur départ, un insolent message me fut