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Page:Collins - Le Secret.djvu/257

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Chennery ne fit que confirmer Shrowl dans son dessein de ne pas anéantir un si précieux document. Non sans beaucoup de persévérance et de peine, non sans de longs démêlés avec sa barbe, il parvint à se pénétrer des trois points qui, selon lui, faisaient toute l’importance de ce morceau de papier. Il s’assura, en premier lieu, que le signataire, nommé Robert Chennery, désirait vivement consulter un plan, ou une description imprimée du corps de logis nord d’une vieille habitation nommée Porthgenna-Tower, et située dans le pays de Cornouailles. Le second point éclairci pouvait se résumer de la sorte : ce Robert Chennery croyait que le plan ou la description dont il s’enquérait devait se rencontrer dans une collection de livres appartenant à M. Treverton. Enfin, une troisième certitude était que ce même Robert Chennery, quel qu’il pût être, estimerait un grand service qu’on lui prêtât le plan ou la description en question. En méditant ce dernier fait, au point de vue de ses intérêts particuliers, les seuls dont il se préoccupât volontiers, Shrowl en vint à conclure qu’il pourrait bien ne pas trop mal employer son temps, pécuniairement parlant, à chercher les moyens d’obliger M. Robert Chennery, en fouillant secrètement parmi les livres de son maître. « Si je manœuvre bien, c’est peut-être un billet de cinq guinées que j’attraperai, » pensait Shrowl en replaçant la lettre dans sa poche, et en grimpant, l’air tout pensif, l’escalier qui conduisait aux entrepôts de vieilleries situés à l’étage supérieur.

Ces pièces, au nombre de deux, étaient absolument démeublées, et la rare collection de livres qui avait autrefois orné la bibliothèque de Porthgenna-Tower y était jetée pêle-mêle sur les parquets, véritable litière. Des centaines et des centaines de volumes, couverts de poussière, y gisaient de tous côtés et dans toutes les positions, sortis au hasard des caisses d’emballage, comme sort le charbon des sacs qu’on vide sur le sol d’une cave. D’anciens livres qui eussent été, dans une cellule de savant, conservés comme de vrais trésors, se trouvaient dans ce chaos, négligemment fourvoyés parmi des ouvrages modernes dont une splendide reliure faisait tout le prix. Et, dans cet impénétrable fourré de volumes accumulés au hasard, Shrowl, encouragé par son ignorance même, pénétrait hardiment, sans autre lumière que la vague clarté de ces deux simples mots : Porthgenna-Tower. Se les étant bien mis dans la tête, il s’était promis de continuer ses recherches jusqu’à ce qu’il les eût rencontrés sur la première page d’un des volumes