Aller au contenu

Page:Collins - Le Secret.djvu/26

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Singulière femme, dit le docteur s’adressant à la garde. Suivez-la !… Sachez où elle va, pour le cas où nous aurions besoin d’elle, et où il faudrait l’envoyer chercher. J’attendrai ici que vous soyez revenue. »

Lorsque la garde revint, son rapport ne fut pas long. Elle avait suivi Sarah Leeson du côté de sa chambre, l’y avait vue entrer, et, prêtant l’oreille, avait entendu pousser le verrou intérieur.

« Singulière femme ! répéta le docteur… de l’espèce taciturne et discrète.

— Mauvaise espèce, remarqua la garde. Elle ne fait que se parler à elle-même, et, à mon avis, c’est là un triste symptôme. Je n’aime pas non plus sa mine. Voyez-vous, monsieur, je me suis méfiée d’elle dès le premier jour de son entrée ici. »



CHAPITRE II.

L’enfant.


Aussitôt que Sarah Leeson se fut enfermée dans sa chambre, elle enleva de sa cachette le papier révélateur, non sans frémir, et comme si elle eût porté la main sur quelque arme dangereuse ; elle le plaça tout ouvert sur sa petite table de toilette, et se mit à dévorer du regard les lignes qu’elle y avait elle-même tracées. Les caractères flottaient d’abord devant ses yeux. Elle y porta les mains durant quelques minutes, comme pour en dissiper l’éblouissement, et ensuite regarda de nouveau l’écrit en question.

Maintenant chaque lettre, chaque mot lui apparaissait avec une netteté presque surnaturelle ; on les eût dit doués d’une sorte de vie, et ils semblaient grandir, à mesure qu’elle les contemplait ainsi. D’abord la suscription : À mon mari, puis, au-dessous, la ligne raturée, illisible, tracée par sa maîtresse agonisante ; puis celles qu’elle-même avait écrites, et enfin les deux signatures : celle de mistress Treverton, suivie de la sienne. Tout cela ne formait qu’un bien petit nombre de phrases, jetées sur un méchant morceau de papier que la flamme d’une bougie pouvait détruire en quelques secondes. Et pourtant, elle de-