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Page:Collins - Le Secret.djvu/333

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la rassurer, lui eût inspiré, au contraire, de nouvelles appréhensions, et eût par conséquent fortifié en elle la résolution où on la savait déjà, de se prémunir contre toute communication avec Porthgenna-Tower. Rosamond écouta patiemment cet exposé nouveau de la question qui la préoccupait, et reconnut que les hypothèses de son mari étaient parfaitement raisonnables ; mais, tout en admettant qu’il pouvait être dans le vrai, et elle, au contraire, se forger des craintes chimériques, elle n’en demeurait pas moins dans le même état de malaise moral dont il essayait de la tirer. La manière dont le vieillard avait interprété, devant elle, l’altération graduelle de l’écriture de mistress Jazeph, l’avait singulièrement frappée, surtout quand elle s’était rappelé combien était pâle et fatigué le visage de sa mère, à l’époque où, sans la connaître pour telle, elle l’avait vue à West-Winston. M. Frankland s’épuisait donc vainement en raisonnements irréprochables ; il ne pouvait ébranler chez sa femme cette conviction bien arrêtée, que l’obstacle mentionné dans la lettre de l’oncle Joseph, et le silence gardé par lui depuis lors, devaient s’expliquer par la maladie de la nièce qu’il était allé chercher.

Outre ce sujet à débattre, le retour du messager de Truro fournissait encore une question à résoudre, bien autrement essentielle. Après avoir attendu vingt-quatre heures au delà du terme assigné, quelle ligne de conduite devaient adopter M. et mistress Frankland, alors que, ni de Londres, ni de Truro, ne leur arrivait aucun des éléments nécessaires pour asseoir là-dessus leur opinion ?

La première idée de Léonard fut d’écrire immédiatement à l’oncle Joseph, à l’adresse qu’il avait laissée lors de sa dernière visite à Porthgenna-Tower. Quand ce projet fut soumis à Rosamond, elle objecta que le délai de la réponse à attendre pouvait faire perdre un temps précieux, alors que, selon toute probabilité, il était de la dernière importance que pas une journée ne fût ainsi gaspillée. Si c’était la maladie de mistress Jazeph qui l’empêchait de se mettre en route, il fallait tout aussitôt courir vers elle, cette maladie pouvant s’aggraver. Si elle se méfiait simplement de leurs motifs, il était tout aussi essentiel de nouer avec elle des rapports directs, avant qu’elle eût trouvé quelque nouvel obstacle à élever, quelque cachette nouvelle, où l’oncle Joseph lui-même ne saurait comment la découvrir.

Bien que la vérité de ces conclusions lui parût irréfragable,