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Page:Collins - Le Secret.djvu/372

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fant que je n’osais avouer : « Pensez à votre pauvre papa !… » Vous savez, ma Rosamond, à qui je pensais au moment où il parlait ainsi. Mais comment lui révéler le Secret ? Comment lui remettre la lettre fatale, alors que, le matin même, la mort lui avait pris sa femme, et quand vous lui restiez, sa seule consolation. Vérités formidables qui retombaient sur mon cœur, tandis qu’il parlait, comme le rocher écrasant sous lequel est resté ce père que vous n’avez jamais vu.

— Ne parlons pas de tout ceci maintenant, dit Rosamond. Ne revenons plus sur le passé !… J’en sais tout ce qu’il est nécessaire que j’en sache, tout ce que je désire en savoir. Parlons de notre avenir, ma mère, et des temps plus heureux qui nous sont réservés. Parlons, tenez, de mon cher mari. Si je trouvais des mots pour le louer comme il doit être loué, pour le bénir comme il doit être béni, ce sont ceux-là que j’emploierais, ma mère, et dont vous voudriez vous servir après moi. Laissez-moi vous raconter ce qui se passa entre nous quand je lui donnai lecture de la lettre trouvée dans la chambre aux Myrtes… Oh ! oui, laissez-moi vous conter ceci ! »

Mise sur ses gardes par les dernières injonctions du docteur, lesquelles lui revenaient à la mémoire, et prise d’un tremblement secret, car, sous sa main, elle sentait battre le cœur de sa mère, à coups irréguliers, puissants, pénibles, et, sur le visage de sa mère, elle voyait succéder rapidement, tantôt à l’extrême pâleur un rouge ardent, tantôt à ce dernier une teinte livide, elle venait de se promettre qu’elle ne laisserait plus, dans leur entretien, place aux souvenirs des peines passées, des années sans joie ni espérance. Après avoir longuement raconté à sa mère tous les détails de la visite qui avait conduit à la découverte du Secret, et de l’explication qui avait suivi, elle la fit passer de là, sans transition, aux projets d’avenir formés par les jeunes époux, pour le temps où elle pourrait supporter les voyages ; au bonheur de retourner ensemble dans le Cornouailles, à la petite fête qu’on organiserait en passant à Truro, dans la maison de l’oncle Joseph ; au voyage qu’on ferait un peu plus tard jusqu’à Porthgenna… à moins, cependant, qu’on ne choisît un endroit où de nouveaux paysages, de nouvelles figures, aideraient à oublier tout ce qu’il fallait, autant que possible, mettre au rang des souvenirs perdus.

Rosamond parlait encore de tous ces sujets, sa mère l’écoutait encore, de plus en plus intéressée à chaque parole nou-