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Page:Collins - Le Secret.djvu/374

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repos la nuit. Et comment obtiendrai-je qu’elle ferme les yeux, si vous êtes là pour les lui tenir ouverts à vous regarder ? La tentation serait trop irrésistible. »

Rosamond comprit la justesse de ce conseil, et consentit à retourner à l’hôtel pour quelques heures, sous condition expresse que, dans la soirée, elle viendrait reprendre sa place au chevet maternel. Cet arrangement convenu, elle attendit encore assez longtemps que l’on eût apporté le repas dont avait parlé l’oncle Joseph, afin d’aider le bon vieillard à obtenir de la malade qu’elle voulût bien y faire honneur. Lorsque le plateau eut été enlevé, et quand elle eut confortablement disposé les oreillers du lit, Rosamond, enfin, put se décider à prendre congé.

Les bras de sa mère semblaient ne pouvoir se détacher de son cou… La joue de sa mère restait sur la sienne :

« Allez, ma chérie… partez maintenant !… Partez tout de suite, ou bien, devenue égoïste, je ne pourrai plus me séparer de vous, ne fût-ce que pour quelques heures, murmura la douce voix, plus harmonieuse que jamais… Ma Rosamond, à moi !… je ne trouve pas de mots pour vous bénir… Je n’en trouve point qui puissent exprimer, même faiblement, la reconnaissance que je vous dois… Le bonheur a été long à me venir… mais comme il m’arrive en abondance ! »

Avant de franchir le seuil de la porte, Rosamond s’arrêta et jeta derrière elle un long regard. Table, cheminée, et jusqu’aux petites gravures accrochées au mur, resplendissaient de fleurs brillantes. La petite boîte à musique commençait les premières notes de la mélodie de Mozart. Déjà l’oncle Joseph avait repris auprès du lit son poste habituel, et le panier de fruits était sur ses genoux ; la figure pâle et fatiguée à laquelle l’oreiller servait de cadre était doucement éclairée par un sourire de paix ; le bien-être et le repos, heureusement amalgamés, composaient, si l’on peut s’exprimer ainsi, la physionomie de cette chambre de malade : et le tableau qu’elle offrait en ce moment aidait l’imagination de Rosamond à s’égarer paisiblement dans les prévisions d’un temps plus heureux.

Trois heures s’écoulèrent. La longue journée d’été allait achever son cours dans les splendeurs de l’occident, et le soleil, à son déclin, semblait, de ses derniers rayonnements, se faire une gloire dernière, lorsque Rosamond revint au chevet de Sarah Leeson.