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Page:Collins - Le Secret.djvu/384

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« Partie !… s’écria-t-elle tout à coup avec l’accent du triomphe. Oh ! Dieu de pitié ! Dieu bon !… Elle est enfin partie ! »

L’instant d’après, elle était agenouillée sur son lit. Pendant un moment, remplis d’émotion, ses yeux rayonnèrent dans la pénombre crépusculaire, beaux d’une beauté surhumaine, tandis qu’elle les fixait, avec un dernier regard d’amour, sur le visage de sa fille. « Ange chéri, saint amour de mon cœur, murmurait-elle… que de bonheur nous est réservé !… » Et, ces mots prononcés, elle enlaça ses deux bras autour du cou de Rosamond, qui sentit les lèvres de sa mère se poser pour la première fois sur ses lèvres.

Ce baiser se prolongea jusqu’au moment où la tête de Sarah, fléchissant peu à peu, retomba sur le sein de Rosamond… Il se prolongea jusqu’à l’instant ou la miséricorde de Dieu acheva son œuvre… et où le repos rentra pour jamais dans cette âme épuisée.



CHAPITRE V.

Quarante mille livres sterling.


Un des dictons populaires le plus généralement accrédités est certainement celui qui attribue au Temps le titre de Grand Consolateur. Et il n’en est peut-être pas qui exprime aussi imparfaitement la vérité. Le travail qui nous est imposé, la responsabilité qu’il faut encourir, les exemples que nous devons à autrui, voilà les grands consolateurs. Le Temps n’a que la vertu négative d’aider la douleur à s’user elle-même. Quel de nous (de ceux-là s’entend qui étudient les phénomènes moraux) n’a pas remarqué que le regret des morts s’effaçait le plus vite chez ceux qui ont le plus de devoirs à remplir envers les vivants ? Quand l’ombre du malheur vient se poser sur notre toit, la question n’est pas de savoir combien il faudra de temps pour y ramener les rayons du soleil, mais quels travaux vont nous contraindre à marcher d’un pas plus ou moins rapide vers ce point de l’avenir où les rayons du soleil nous attendent. Le Temps, qui peut revendiquer bien d’autres victoires, n’a jamais, à lui seul, vaincu la douleur. Ce qui nous console le mieux du départ des morts, c’est l’impé-