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Page:Collins - Le Secret.djvu/62

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remède ?… préférez-vous une médecine ou un peu de bière ? Voulez-vous autre chose ?

— Oh ! non… non… je suis si contrarié quand je dérange, répondit M. Phippen… j’aime bien mieux souffrir… oui, certes, infiniment mieux… Il me semble, Chennery, que, si vous vouliez bien continuer votre histoire, cela me calmerait un peu… Je ne sais pas trop comment vous y aviez été conduit, mais il me semble que vous disiez quelque chose de bien intéressant sur les tabliers de ces jeunes amoureux.

— Joli !… dit le docteur Chennery… Je vous parlais tout bonnement de l’attachement précoce de ces deux enfants, depuis lors devenus mari et femme ; et j’allais ajouter que le capitaine Treverton, peu après s’être établi dans notre voisinage, reprit l’exercice actif de sa profession. Il fallait cela pour combler l’énorme lacune qu’avait laissée dans son existence la perte d’une femme adorée. En bonnes relations avec l’Amirauté, il n’a qu’à demander un commandement pour l’obtenir ; et jusqu’à présent, sauf quelques intervalles bien courts, passés à terre, il n’a pas cessé de naviguer, bien qu’il soit un peu vieux pour le métier qu’il fait, au dire de sa fille et de ses amis… N’ayez donc pas l’air intrigué, Phippen… je ne suis pas si loin du but que vous pouvez le penser… Ces détails sont de ceux qu’il était indispensable de vous donner au préalable… Et maintenant que je m’en suis débarrassé, je puis aborder de front ma principale histoire… celle de la vente… Eh bien, qu’est-ce qui vous prend ?… Avez-vous encore besoin de vous lever ? »

Oui, c’était justement là ce que voulait M. Phippen, car il venait de s’aviser que la meilleure manière de calmer ses palpitations, de dissiper ses taches noirâtres, pourrait bien être un peu d’exercice pris avec ménagement… À Dieu ne plaise qu’il occasionnât le moindre dérangement ! mais si son digne ami Chennery, avant de continuer ce récit du plus palpitant intérêt, voulait bien lui donner le bras, se charger du tabouret pliant, et s’avancer lentement du côté de la fenêtre de la salle d’études, on serait ainsi à même de héler miss Sturch, dans le cas où il serait absolument nécessaire d’avoir recours à elle pour la composition d’une boisson calmante, suprême ressource en pareille circonstance.

Le ministre, dont l’inépuisable bonté était à l’épreuve de tous les ennuis que lui pouvaient infliger les infirmités dyspeptiques de M. Phippen, ne manqua pas de faire droit à ses