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Page:Comédie humaine - Répertoire.djvu/16

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cette force particulière du génie de Balzac. L’une réside dans le caractère spécial de sa vision, l’autre dans la portée philosophique qu’il a su donner à toute son œuvre. — Ce que fut cette vision, ce répertoire suffirait seul à le montrer. Feuilletez-le au hasard, et calculez la quantité de faits imaginés que supposent ces deux mille biographies, toutes individuelles, toutes distinctes, et la plupart complètes, c’est-à-dire prenant le personnage à sa naissance pour ne le quitter qu’à sa mort. Balzac ne sait pas seulement cette date de naissance ou de mort, il sait aussi quel était à cette époque l’esprit du pays, de la province, du métier auquel l’homme appartenait. Il s’est renseigné sur le taux de la rente et les conditions de la culture. Il n’ignore pas que Grandet n’a pu faire fortune par les mêmes procédés que Gobseck, son rival en avarice, ni Ferdinand du Tillet, ce chacal, avec la même largeur de moyens que cet éléphant de Nucingen. Il a constaté et il a mesuré le rapport exact du personnage à son milieu, de même qu’il a constaté et mesuré les attaches de ses différents personnages entre eux ; si bien que chacun des individus se trouve constitué séparément dans ses réalités personnelles et sociales, et qu’il en est de chaque famille comme de chaque individu. C’est le squelette de ces individus et de ces familles que vous contemplerez mis à nu dans ces notes de MM. Cerfberr et Christophe ; mais cet établissement de faits reliés ainsi les uns aux autres par une logique égale à celle de la vie est le moindre effort du génie de Balzac. Un extrait de naissance, un contrat de mariage, un état de fortune représentent-ils une personne ? Évidemment non. Il y manque comme à une ossature la chair et le sang, les muscles et les nerfs. Au regard de Balzac,