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Page:Comeau - La vie et le sport sur la Côte Nord du Bas Saint-Laurent et du Golfe, 1945.djvu/232

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À TRAVERS LE SAINT-LAURENT

que j’étais à pagayer et à conduire le canot. Il avait les mains, la figure et les pieds gelés, et les frères Labrie avaient aussi la figure et les mains gelées.

Nous étions débarqués en face d’une maison de ferme occupée par madame G. Tanguay et ses trois enfants, deux fillettes et un petit garçon, qui était l’aîné de la famille et était âgé de douze ans. Le petit bonhomme était à jouer dans le chemin, lorsqu’il nous vit débarquer. Je l’aperçus se sauvant en toute hâte. Fonçant dans la maison, il dit à sa mère que quatre sauvages en boisson s’en venaient du côté de la maison. Il m’avait vu avec ma tunique de peau de caribou tout frangée, aider à mon frère à se mouvoir et les deux Labrie qui marchaient clopin-clopant derrière nous. Il n’y avait pas lieu de s’étonner, s’il nous avait crus ivres. Arrivé à la porte, je frappai. Pas de réponse. On avait éteint la lumière et la porte était barricadée. J’appelai à haute voix en français, et j’entendis une des fillettes qui nous avait reluqués, dire :

— C’est pas des Sauvages.

Madame Tanguay alors vint à la porte. Après avoir demandé qui nous étions, elle ouvrit la porte. La pauvre femme, en voyant l’état où nous étions, se montra excessivement chagrine de nous avoir fait attendre et essaya de se reprendre en s’empressant de nous dépouiller de nos habits couverts de glace. Elle envoya chercher un voisin pour aider à frotter ceux qui avaient des engelures. Pendant ce temps-là, notre hôtesse s’apprêtait à faire des crêpes pour notre souper. Je lui dis qu’elle n’avait pas besoin de se donner pareil trouble pour le moment. Il n’y avait pas de thé, alors nous prîmes du lait chaud et de l’eau chaude, un morceau de pain rôti et du beurre. Nous enveloppâmes mon frère dans une bonne couverture chaude, car il n’en pouvait plus. Le petit