La truite
’UN des pires ennemis du saumon, c’est à mon
avis, la truite. Nul doute que cette affirmation de
ma part fera sortir de leurs gonds plus d’un pêcheur
de truite à la ligne, qui, tout naturellement prendra
la part de son poisson favori. Néanmoins, ceux qui
sont propriétaires de rivières à saumon et veulent
les maintenir comme telles, doivent regarder la truite
comme un ennemi et le plus redoutable type de braconnier
qui soit. À l’appui de cette affirmation, je
vais citer des faits qu’il m’a été donné d’observer
personnellement.
Il y a plusieurs années, lorsque j’étais occupé à faire la trappe, j’était campé près d’une frayère à saumon à la tête de la rivière Trinité. Chaque automne, en octobre, cette fosse se remplissait de truites ; aussi, en quelques minutes, en prenions-nous autant que nous en voulions, soit comme vivres, soit comme appâts pour nos trappes. En fendant ces truites, nous les trouvions invariablement pleines de frai de saumon, et parfois, mais pas souvent, de parr (première forme du saumon) ou de quelques poissons de leur propre espèce.
Maintenant, que l’on se figure donc les ravages que peuvent commettre en quelques jours des centaines de truites dans une fosse. En toute probabilité, ce qui s’était passé là avait dû se passer dans d’autres parties de la rivière. On y trouvait souvent de la truite dans cette fosse jusqu’au milieu de décembre. Après quoi, la truite disparaissait ou ne mordait plus, car nous n’en prenions pas une seule avant la fin de mars. Plusieurs fois j’essayai, mais sans succès, de jeter la ligne dans des endroits profonds de la rivière.