Aller au contenu

Page:Conan - À l’oeuvre et à l’épreuve - 1893.djvu/54

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

M. Garnier l’éprouva particulièrement ce matin-là, et ne put s’empêcher de lui dire avec élan : — Vous verrez, vous verrez que vous finirez par imposer votre volonté aux hommes et aux événements.

M. de Champlain soupira.

— Et quand même vous ne devriez pas réussir, continua son ami ; quand même la Nouvelle-France devrait périr avec vous, c’est déjà beaucoup d’user sa vie à une œuvre rude et grande.

— Oui, vous avez raison ; j’ai senti cela souvent, et, quand je devrais échouer, je ne me plaindrais pas de ma destinée. Mais, je réussirai… Sans doute, ma vie est bien avancée ; j’ai usé beaucoup de mes forces en efforts à peu près stériles… Mais la pensée qu’on travaille pour Dieu et pour la France est un cordial puissant.

— Que n’êtes-vous compris ! que n’êtes-vous secondé ! dit le magistrat avec tristesse.

— Ne me plaignez pas, mon cher ami… Le plaisir est en raison directe de la peine ; et ma ville de Québec, comme vous l’appelez, m’a déjà donné bien des joies… Quand, au sortir de la forêt, j’aperçois la clairière défrichée… l’habitation… le fort… la chapelle… j’éprouve toujours un étrange bonheur… et, là, en regardant fumer nos toits, j’ai refait, bien souvent, le même rêve.