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Page:Conan - À l’oeuvre et à l’épreuve - 1893.djvu/72

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— Ils sont intelligents pourtant ?

— Oui, en certaines choses : ils mentent habilement… ils volent avec le pied aussi bien qu’avec la main… il y en a même qui sont éloquents. Mais ils sont si grossiers, qu’ils n’ont pas de mots pour exprimer l’idée de Dieu… Pour leur en parler, il faut inventer des périphrases : Celui qui a tout fait… le grand capitaine des hommes… À cette grossièreté, joignez l’orgueil, la vengeance qui fait le fond de leur nature, et dites-moi si l’on peut espérer en faire des chrétiens.

Le P. de Brébeuf écoutait tout avec une sérénité inaltérable.

— Quand nous aurons assez souffert là-bas, dit-il tranquillement, une église germera et sortira de terre.

— Et il y aura, là-bas, un royaume chrétien, un royaume français… c’est mon rêve, mon Père.

— Dites votre mission, monsieur… Dieu ne permet guère qu’un homme de votre valeur consacre sa vie à une chimère.

— Alors, s’écria Champlain, vous croyez à la Nouvelle-France ?… Dites-moi cela, mon Père.

Le missionnaire le regarda avec une admiration contenue, mais profonde.

— L’avenir est au-delà de nos regards, dit-il doucement ; il est caché dans les plans divins.