Aller au contenu

Page:Conrad - En marge des marées.djvu/163

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

faisait l’effet d’un être confiant, inoffensif et doux, au moment où il traversa de nouveau la pièce, les mains remplies de divers objets ou paquets à l’intention de l’enfant malade.

Les quatre hommes s’étaient rassis autour de la table. Bamtz n’ayant pas le courage d’ouvrir la bouche, ce fut Niclaus qui, comme un porte-parole, l’invita pâteusement à revenir dans la pièce et à prendre un verre avec eux.

— « Je pense que je vais en avoir pour un peu de temps, pour l’aider à soigner le petit », répondit Davidson sans s’arrêter.

« Ce fut fait pour éloigner tout soupçon. Davidson savait bien qu’il vaudrait mieux ne pas rester là très longtemps.

« Il s’assit sur un vieux petit baril vide, et regarda l’enfant ; tandis qu’Anne-la-Rieuse allait et venait, préparant la boisson chaude, la donnant à l’enfant par cuillerées, s’arrêtant pour examiner le petit visage en feu, murmurant des renseignements décousus. Elle avait réussi à se faire un ami de ce diable de Français. David pouvait comprendre qu’elle savait s’y prendre pour plaire à un homme.

Et Davidson fit un signe de tête sans la regarder.

« Cette brute avait été très confiante avec elle. Elle tenait ses cartes pour lui quand ils jouaient. Bamtz ? Oh ! Bamtz dans sa terreur était trop content de voir le Français de bonne humeur. Et le Français en était arrivé à croire que c’était une femme qui était prête à tout. C’est ainsi qu’ils en étaient venus à parler ouvertement devant elle. Pendant un certain temps elle n’était pas parvenue à comprendre de quoi il s’agissait. Les nouveaux arrivants, ne s’attendant pas à trouver une femme avec Bamtz avaient d’abord été étonnés et ennuyés, expliquait-elle.

« Elle s’occupait à soigner l’enfant ; et personne, en regardant du côté de la chambre, n’aurait pu découvrir quoique ce fut de singulier dans ces deux personnes échangeant des murmures près du lit de ce petit malade.

« Mais maintenant ils pensent que je suis certainement plus un homme que Bamtz l’a jamais été, dit elle en souriant péniblement.

« L’enfant se mit à gémir. Elle s’agenouilla et le contempla anxieusement. Relevant la tête, elle demanda à Davidson s’il pensait que l’enfant irait mieux. Davidson en était sûr. Elle murmura tristement : « Pauvre petit, la vie n’a rien de bon pour un être comme lui. Pas même la chance d’un chien perdu. Mais je ne peux pas le laisser s’en aller. Davy, je ne peux pas. »