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Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/247

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un bon soldat, à se promener de haut en bas d’un pas régulier, sans jeter les yeux sur la jeune paysanne.

Celle-ci demeura un instant absorbée dans une triste rêverie, et s’efforça de comprendre comment ce pouvait être mal de montrer son chemin à un étranger. La douleur commençait à s’emparer de son âme. Toutefois, une demi-heure d’attente ne lui sembla pas très-longtemps. À la sortie des chasseurs, elle se placerait près de la porte de la caserne ; et pas un seul homme, à coup sûr, n’échapperait à son attention. Elle verrait et reconnaîtrait Jean ; mais, à cette pensée pleine d’espérance, ses traits s’assombrirent soudain : elle venait de songer qu’il n’était pas vraisemblable qu’un soldat aveugle accompagnât les autres. Et pourtant, que pouvait-elle en savoir ? Tout lui semblait ici si étrange et si extraordinaire ! Dans son doute, elle suivit le conseil du factionnaire, et s’achemina lentement vers le Faucon. Elle entra dans l’estaminet, demanda un verre de bière, et à demi honteuse alla s’asseoir à une table éloignée dans un coin.

Huit ou dix soldats se trouvaient dans la salle, debout près du comptoir, et devisant à haute voix d’affaires de service.

Dès l’entrée de la jeune fille, tous s’étaient tournés vers elle, et tout en riant avaient échangé chacun son observation ; mais comme ils parlaient français ou wallon, Trine ne comprit pas ce qu’on disait d’elle ; et bien que les regards hardis des soldats la rendissent confuse, elle dit avec un doux sourire :

— Je vous souhaite à tous le bonjour, mes amis.